En 1994, j’avais 14 ans et mon univers se résumait à un seul mot : l’informatique. Internet existait déjà, mais à une vitesse de connexion de 56k, son utilisation était un luxe que mon père ne pouvait pas se permettre, surtout après avoir reçu une facture astronomique causée par mon frère aîné qui avait succombé à la tentation. Cependant, cette époque était celle où naissaient les véritables geeks, curieux et assoiffés de connaissances informatiques.
Les débuts de la passion : À l’époque, Internet était loin d’être la norme, alors j’ai plongé dans le monde de l’informatique local. J’ai commencé à explorer Windows 3.1, à maîtriser les scripts batch, à écrire du code en VBA, et à créer de petits jeux en QBasic. C’était une époque magique où l’on ne cherchait ni la célébrité ni l’argent, juste le plaisir de découvrir les possibilités offertes par cette nouvelle technologie.
La découverte qui a tout changé : Un jour, en lisant un journal marocain en arabe (une coïncidence), je suis tombé sur un article qui allait changer ma vie. C’était un article sur l’arrestation de Kevin Mitnick, un pirate informatique de renom. C’était la première fois que je rencontrais le nom Mitnick alias CONDOR, mais cela allait devenir une partie intégrante de mon identité en ligne pendant de nombreuses années. J’ai adopté le pseudonyme “Condor80” en hommage à ce génie de l’informatique.
Les frasques de la jeunesse : Armé de mes connaissances fraîchement acquises, j’ai commencé à expérimenter. Au lycée Technique Prince Sidi Mohamed à Marrakech et bien avant au lycée Khawarizmi à Safi (je faisais de l’Electronique au cas ou), je modifiais l’autoexec.bat et lançais un programme que j’avais créé en Turbo Pascal. Il ressemblait à une version primitive de Norton et trompait les enseignants en leur faisant croire que leurs ordinateurs étaient infectés. Les fautes d’orthographe étaient nombreuses, mais cela fonctionnait, et les professeurs étaient convaincus que leurs machines étaient condamnées. Et beaucoup d’autres bêtises … mais pas plus.
L’âge d’or du hacking sans internet : Il est important de souligner que tout cela se déroulait à une époque où Internet n’était pas encore largement répandu au Maroc, et les contacts avec les geeks américains étaient inexistants. Il n’y avait pas de forums en ligne pour échanger des idées, pas de réseaux sociaux pour partager nos créations, et pas de possibilité de discuter en temps réel avec des passionnés du monde entier. C’était une période où nous, les geeks marocains, étions en grande partie isolés dans notre exploration de l’informatique.
La solitude de l’apprentissage : Apprendre l’informatique à cette époque était une expérience solitaire. Les seules ressources à notre disposition étaient des livres, des magazines informatiques, et parfois des disquettes partagées entre amis. Nous devions compter sur notre propre débrouillardise pour résoudre les problèmes et pour découvrir de nouvelles astuces. Chaque petit succès dans la maîtrise de Windows, dans la création de scripts, ou dans le développement de petits jeux en QBasic était une victoire personnelle.
Le parallèle avec Kevin Mitnick : Kevin Mitnick, de son côté, était aux États-Unis en train de faire des exploits similaires :) . Il a été poursuivi pour avoir volé des manuels informatiques à l’âge de 17 ans et a ensuite commis des intrusions dans les systèmes de grandes entreprises, volant des informations sensibles et des numéros de cartes de crédit. Sa traque par le cyberdétective Tsutomu Shimomura a captivé l’Amérique.
Le fossé entre les geeks américains et marocains : Le fossé entre les geeks américains, qui avaient déjà accès à des communautés en ligne florissantes, et les geeks marocains, qui étaient encore largement isolés, était immense. Les ressources disponibles étaient limitées, et les opportunités d’apprentissage étaient rares. Pourtant, notre passion pour la technologie était aussi ardente que celle de nos homologues américains.