Il était 23h11 GMT, une heure qui allait changer nos vies à tout jamais. La soirée était d’une tranquillité trompeuse, chaque détail de notre quotidien semblait parfaitement normal. Jad dormait paisiblement, Khadija et Mohamed étaient immergés dans leur jeu vidéo Roblox, et moi, assis dans le salon, je me laissais captiver par une playlist sur le référencement sur Internet tout en grignotant quelques bouchées de graines زريعة. À côté de moi, ma femme se divertissait avec TikTok, et tout était en ordre, jusqu’à ce que le monde entier bascule dans le chaos.
Un grondement sourd, suivi d’un bruit assourdissant, secoua la maison. Le sol trembla sous nos pieds, et j’ai immédiatement su, sans réfléchir, que c’était un tremblement de terre. L’obscurité s’abattit brusquement lorsque le courant électrique fut coupé, et la terreur s’empara de nous.
“Mohamed, Khadija !” hurlai-je, tout en demandant à ma femme de prendre Jad. Ensemble, nous nous sommes précipités vers les escaliers, l’urgence de la situation nous poussant à agir instinctivement.
La panique s’empara de mes enfants. Ma fille tremblait violemment, les larmes inondaient son visage. Une deuxième secousse, encore plus puissante, frappa, laissant la maison chancelante dans l’obscurité totale. Nous nous sommes précipités dehors, les mains de mes enfants agrippées désespérément aux miennes, cherchant refuge contre cette terreur inconnue.
Nous étions parmi les premiers à sortir, et nos voisins nous ont rapidement rejoints, tous partageant notre choc et notre soulagement. Les hommes se sont rassemblés d’un côté, les femmes de l’autre, cherchant un réconfort mutuel dans cette situation inattendue.
Pourtant, je savais que je devais retourner à l’intérieur de la maison. Mon téléphone était resté à l’intérieur, et mes voisins et ma femme hésitaient à me laisser y retourner. Mais j’avais désespérément besoin de nouvelles de ma famille à Marrakech. C’était une question de vie ou de mort.
La tension monta alors que je courais à l’intérieur, comptant chaque seconde qui s’écoulait. Ma mission était de récupérer mon téléphone, de l’argent, mon ordinateur portable, et quelques bouteilles d’eau pour faire face à l’incertitude qui nous attendait.
En remontant les escaliers, l’angoisse grandissait. Les minutes semblaient des heures, mais j’ai réussi à mettre la main sur mon téléphone. La 4G fonctionnait, mais les appels ne passaient pas, le réseau étant saturé par la demande d’informations.
J’ai cherché désespérément des informations sur les catastrophes naturelles. J’ai utilisé des applications et des liens que j’avais utilisés lors de mes recherches sur le sujet en 2011 et 2012. La magnitude du séisme était de 7°, une situation grave. La question était de savoir s’il y aurait des répliques, et la plupart des sources semblaient indiquer que oui.
J’ai installé une application de radio en ligne pour obtenir des informations officielles, mais tout ce que j’ai entendu, c’était de la musique. Les chaînes de télévision marocaines étaient également silencieuses, à l’exception d’une seule radio, CHADA FM, qui tentait de fournir des informations.
Sur les réseaux sociaux, la confusion régnait. Les spéculations et les fausses informations se propageaient rapidement. Les gens étaient terrifiés, partageant des images apocalyptiques de la situation, même ceux qui n’étaient pas marocains.
Vers minuit et demie, j’ai réussi à joindre ma sœur, puis ma mère vers 2 heures du matin, et enfin ma petite sœur vers 5 heures. Les appels WhatsApp affluaient du monde entier, de l’Algérie, de la France, du Canada, du Brésil, de la part d’amis, de collègues et de membres de la famille.
Vers 3 heures du matin, nos voisins ont commencé à préparer du thé et des gâteaux. Il y avait beaucoup d’enfants terrifiés, mais nous étions là tous ensemble, comme lors d’un grand pique-nique familial. C’était émouvant.
Cependant, les nouvelles qui arrivaient à travers la radio CHADA FM étaient déchirantes. Des personnes étaient coincées sous les décombres dans des régions isolées, avec des routes coupées et rendues inaccessibles. Elles lançaient des appels de détresse, désespérément en quête d’aide. Plus d’électricité, des smartphones et des batteries de voitures qui s’épuisaient. C’était une autre réalité, une tragédie qui se déroulait en parallèle.
L’animateur de la radio appelait au calme et essayait de contacter les autorités, mais le réseau était saturé.
Je suis retourné sur mon téléphone pour aider de mon côté, relayant des informations, incitant les gens à faire des dons de sang dès le lever du jour.
Il était 5 heures du matin, et j’étais épuisé. Je pensais à ce que faisaient les autres dans les zones sinistrées. Des femmes pleuraient la perte de leurs enfants, des enfants devenaient orphelins, des familles entières étaient meurtries, et des villages entiers étaient détruits. Le Maroc était en deuil. C’était une nuit que personne n’oublierait jamais.